jeudi 7 avril 2011

La situation en Côte d'Ivoire, par Théophile Kouamouo

Source : blog du journaliste Théophile Kouamouo, journaliste camerounais habitant Abidjan



06.04.2011

L'Etat français a armé les forces pro-Ouattara (Le Canard Enchaîné)

Accusées de massacres massifs par des organisations internationales impartiales (le CICR et Amnesty International notamment), les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), constituées majoritairement par les rebelles qui occupent la moitié nord du pays depuis plus de huit ans, ont été armées par l'Etat français. C'est en tout cas ce que révèle Le Canard Enchaîné, hebdomadaire satirique et d'investigation français, dans sa parution de ce mercredi 6 avril. Extraits.
"Selon plusieurs témoignages d'officiers supérieurs au "Canard", la France a appuyé la conquête du sud du pays par les forces de Ouattara. L'un d'eux, proche de l'Elysée, se félicite de "notre efficacité dans l'organisation de la descente sur Abidjan." (...) Un autre galonné, membre des services de renseignements, confie : "On a fourni des conseils tactiques aux FRCI", mais aussi "des munitions et des Famas (fusils d'assaut). De son côté, le contingent militaire français est porté, le 4 avril, à 1 700 hommes. Les 900 hommes du dispositif permanent Licorne ont été notamment renforcés par des Rambo de la Direction des opérations (ex-Service action) de la DGSE et des Forces spéciales.
Quelques-uns, parmi ces derniers, se sont retrouvés en contact direct avec l'entourage de Ouattara. A 19h30, quatre hélicos PUMA, soutenus par des MI 24 de l'ONUCI, commencent leur pilonnage, frappant au passage des objectifs aussi stratégiques que le CHU et un supermarché du quartier de Cocody. Pour la seconde fois en sept ans, "l'ancienne puissance coloniale" bombardait des soldats et des populations ivoiriennes.
Cet héroïque canardage, qui, selon l'Elysée, laissait entrevoir une reddition rapide de Gbagbo, risque pourtant de laisser des traces profondes. Et une situation difficilement gérable à Abidjan. D'abord parce que Ouattara pourrait pâtir, dans cette ville majoritairmeent acquise à Gbagbo, de son image de protégé de la France et des pays riches. L'armement de ses troupes, son équipement tout neuf ont suscité l'étonnement des Ivoiriens. Si l'aide du Burkina et du Nigeria est reconnue, d'autres pistes de financement apparaissent. Selon des témoignages et des documents obtenus par "Le Canard", des proches de Ouattara ont monnayé, en 2009 et 2010, d'importantes quantités d'or extraites des mines du Nord. Plusieurs tonnes ont été acheminées au Ghana voisin sous couvert de véhicules de... l'ONU. Puis envoyées, par petites quantités, à Anvers (Belgique) pour y être transformées. A l'état de poudre, cet or a été négocié à plus de 15 000 euros le kilo.
L'image du camp Ouattara - présenté par certains comme "l'axe du bien" - restera également entachée par les massacres commis ces derniers jours. A Duékoué, par exemple, plusieurs centaines de morts seraient, selon l'ONU et diverses organisations internationales, surtout imputables aux FRCI, les forces de Gbagbo se voyant aussi accusées d'atrocités.
En contact téléphonique permanent avec Ouattara, Sarkozy, qui prétendait le soutenir au nom de la protection des civils, devra ramer dur pour faire oublier les exploits de certains de ses chefs de guerre. Et pour transformer cette intrusion meurtrière en victoire de la démocratie."
Que retenir de cet article bien informé ? Premièrement, que la France a violé le cessez-le-feu au nom duquel Ban Ki Moon réunissait d'urgence le Conseil de sécurité il y a quelques semaines, affirmant sans preuves que la Biélorussie avait vendu des hélicoptères de guerre à Laurent Gbagbo. Deuxièmement, que, comme au Rwanda en 1994, la France officielle a entraîné et équipé des tueurs. Comme au Rwanda, elle est coresponsable des massacres.

07.04.2011

Bilan d'une semaine à Abidjan

Bilan d’une semaine d’enfer à Abidjan
Ce témoignage date du dimanche 3 avril 2011. Il est du journaliste Gilles Naismon, qui vit dans la commune de Cocody.
Suite à l’appel lancé sur la Radiodiffusion et télévision ivoirienne (RTI) par le Commandant du Groupement tactique du district d’Abidjan, appelant tous les éléments de Forces de défense et de sécurité (FDS) à rejoindre leur différentes unités, samedi dernier, militaires, gendarmes, policiers, douaniers et agents des eaux et forêts, qui avaient décroché de leur poste, se sont massivement mobilisés. Plus de 700 policiers, à titre d’illustration, se sont rendus spontanément aux lieux de rassemblement qui leur ont été indiqués. "Cher ami, c'était une affluence semblable à la mobilisation d'un public qui ne veut pas rater une finale de coupe du monde Côte d'Ivoire - France. J'ai la chair de poule parce que c'était émouvant, j'ai eu à l'esprit une belle mort", a confié un Colonel lorsqu’il a été question d’avoir une idée du bilan de la journée sur le théâtre des opérations. Son assurance annonce-t-elle un contrôle de la situation par les FDS à la tête desquelles il y a eu des défections ? Les choses semblent certainement allées au mieux pour les soldats loyalistes. Dans le quartier deYopougon, les Forces de défense et de sécurité et des jeunes patriotes ont constitué un cordon de sécurité au niveau du sous-quartier Gesco. Cette mobilisation a pu barrer la route aux renforts de rebelles convoyés sur la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Malgré la présence d’hélicoptères de l'Onuci et de l’armée française de l’opération Licorne dont la présence et le vol à basse altitude en ces lieux ne se justifiaient pas. Dans l’après-midi de ce même samedi, la Licorne qui a tenté de livrer des munitions à un MI-24 de l'Onuci n’a pas pu atteindre cet objectif. L’armée de l’air de Côte d’Ivoire s’y est interposée dès que l’hélicoptère français s’est posé sur le tarmac de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny.
Ces pillages systématiques que l’Onuci avoue ne pas pouvoir contenir
Les quartiers d’Abidjan contrôlés par les insurgés acquis à la cause d’Alassane Ouattara présentent aujourd’hui un visage de désolation. Le constat de tous les habitants joints par téléphone dans différents quartiers et celui d’éléments de l’armée ivoirienne corroborent. A Cocody (Angré), plusieurs habitants de sous-quartiers Djibi, Rosiers… ont été victimes de vols de voitures et de pillages systématiques de leur domicile. D’autres forfaits des plus déshumanisants sont à mettre sur leur compte. «Lorsque des coups de feu, souvent à l’arme lourde, ont commencé à tonner dans notre zone jeudi dernier, ma famille et moi avons choisi de nous enfermé dans la maison le temps que la situation redevienne normale. Le samedi, dans la matinée, nous avons reçu une visite de cinq hommes armés qui ont réussi à forcer notre portail. Ils ont ensuite fait irruption au salon et ont pu emporter tout ce qui était à leur porté, après m’avoir intimé l’ordre de leur remettre la clé des deux véhicules stationnés dans la cour», témoigne cet habitant du sous quartier Angré les Arcades. G.P précise par ailleurs que sa maison de retraite construite dans son village à 4 km de Daloa a été également pillée et incendié par les rebelles qui ont pris pieds dans cette zone. 
Sur le boulevard Giscard d'Estaing, les rebelles acquis à la cause d’Alassane Ouattara ont pillé le siège de la société de téléphonie cellulaire KOZ, les agences MOOV et de Côte d'Ivoire TELECOM.
A Marcory, Koumassi…, des quartiers situés au nord de la capitale économique, où des jeunes ont été également armés par les promoteurs du chaos, le décor ne diffère pas de celui des sous-quartiers de Cocody (Angré, Djibi…). Le siège de GENERAL METAL a été saccagé de même que celui d’ORCA TENDANCE. Trois commissariats de police, dont deux à Marcory, les 9ème et 26ème arrondissements, de même que le 6èmearrondissement à Koumassi, pour ne citer que ces cas officiellement connus, ont été saccagés et incendiés, après que tous leurs contenus aient été emportés.
Dans toutes les villes officiellement conquises par les hommes armés d’Alassane Ouattara, où les prisonniers de tout acabit (30 000) ont été délibérément remis en liberté par eux, c’est une véritable psychose. Appuyés par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara, ils pillent. Et assassinent (nous y reviendrons plus en détail) sans retenue.
Gilles Naismon à Abidjan 

Témoignage sur les crimes des FRCI pro-Ouattara à Daloa

L’arrivée des rebelles à Daloa rime désormais avec exactions et pillages. Les langues commencent maintenant à se délier de plus en plus pour raconter l’ignominie, l’inhumain et l’incroyable. Je vous rapporte pour l’instant quelques faits :
Un fonctionnaire de l’UFR, l’université de Daloa a été sauvagement poignardé par les rebelles. Celui-ci essayait de résister au pillage de sa maison ;
Une femme habitant le quartier Soleil est à la recherche de ces deux jeunes enfants. Ceux-ci ont été enlevés par les rebelles parce qu’ils étaient coiffés (précision : coiffés signifie « les cheveux complètement rasés »). Aujourd’hui à Daloa, il ne fait pas bon d’être jeune d’une autre ethnie que Dioula et être coiffé. Les rebelles les assimilent systématiquement aux « miliciens de Gbagbo qui attaquent les dioulas » A leur arrivée, les rebelles ont écumé la ville pour les rechercher et les tuer. Un homme m’a raconté qu’un groupe d’une dizaine de jeunes a été tué parce que soupçonné de « miliciens ».
Des jeunes animateurs des agoras ont été surpris sur indication de jeunes dioulas et ont été tués par les rebelles au quartier Soleil, quartier majoritairement habité par les ressortissants de l’ouest, notamment les Guérés et Wobés. L’on fait état d’une vingtaine de tués.
Au camp militaire de Daloa, deuxième bataillon, une tête de « milicien de Gbagbo » tué à San Pédro y est exhibée en ce moment comme trophée de guerre.
Des FDS, au nombre de quatre ont été égorgés au rond point du quartier commerce parce qu’ils ont refusé de se rallier. Ceux qui l’ont fait ont eu la vie sauve mais sont pris en otage par les rebelles. Ils vivent une sorte de liberté surveillée. Leurs armes et treillis leur ont été arrachés.
Au quartier Lobia, village Bété devenu quartier de Daloa, deux personnes ont été tuées par les rebelles. Les corps seraient en décomposition en ce moment dans ledit quartier.
De plus en plus les rebelles font des excursions dans les villages bété toujours sur indication des jeunes dioulas. Nous n’avons pas écho de leurs exactions dans ces villages. Dès que nous les aurons nous vous les transmettrons.

Jean à Daloa

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