Alice Cherki raconte un souvenir d'enfance rapporté par Fanon, et qui l'a particulièrement marqué :
Statue de Victor Schoelcher, Ancien Palais de Justice, Fort-de-France |
Emmené, à dix ans, comme tous les enfants de l'école au monument Schoelcher pour rendre hommage au héros qui a "libéré les esclaves de leurs chaînes", le petit garçon de l'école primaire se demande brusquement pourquoi celui-ci est un héros ; qu'est-ce qu'il y avait avant dont on ne parle pas et qui a eu lieu ? C'est cet avant qui mérite qu'on l'honore, qu'on en parle, cet inouï d'hommes et de femmes mis en esclavage, assujettis au Code Noir. L'homme se trouble en évoquant ce vacillement confus du petit garçon qu'il fut. (...) Ce jour-là, dit l'homme parlant de l'enfant, "j'ai compris pour la première fois que l'on me racontait une histoire qui s'écrivait sur un déni, que l'on m'indiquait un ordre des choses falsifié. J'ai continué à jouer, à faire du sport, à aller au cinéma mais rien n'était plus pareil. C'est comme si j'ouvrais mes yeux et mes oreilles."
Alice Cherki, "Frantz Fanon, Portrait" (ed. Seuil, 2000)
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