"En 1939, aucun Antillais aux Antilles ne se déclarait nègre, ne se réclamait nègre. Quand il le faisait, c'était toujours dans ses relations avec un blanc. C'est le blanc, le "mauvais blanc" qui l'obligeait à revendiquer sa couleur, plus véritablement à la défendre. Mais on peut affirmer qu'aux Antilles, en 1939, aucune revendication spontanée de la négritude ne jaillissait.
C'est alors que successivement, vont se produire trois événements.
Et d'abord l'arrivée de Césaire.
Pour la première fois, on verra un professeur de lycée, donc apparemment un homme digne, simplement dire à la société antillaise "qu'il est beau et bon d'être nègre". Pour sûr, c'était un scandale. On a raconté à cette époque qu'il était un peu fou et ses camarades de promotion se faisaient fort de donner des détails sur sa prétendue maladie.
Quoi de plus grotesque, en effet, qu'un homme instruit, un diplômé, ayant donc compris pas mal de choses, entre autres que "c'était un malheur d'être nègre", clamant que sa peau est belle et que "le grand trou noir" est source de vérité ? Ni les mulâtres, ni les nègres ne comprirent ce délire. Les mulâtres parce qu'ils s'étaient échappés de la nuit, les nègres parce qu'ils aspiraient à en sortir. Deux siècles de vérité blanche donnaient tort à cet homme. Il fallait qu'il fût fou car il ne pouvait être question qu'il eût raison.
L'émoi apaisé, tout sembla reprendre son allure première... Et Césaire allait avoir tort quand le deuxième événement se produisit : je veux parler de la défaite française."
Antillais et Africains, article initialement publié dans la revue Esprit de février 1955 (disponible ici ). Repris dans "Pour la Révolution africaine", 1964.
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